Tenons le roi Henry pour redoutable ; — et songez, princes, à vous armer fortement pour le combattre. — Sa race s’est gorgée de nos dépouilles ; — il est de cette liguée sanglante — qui nous a hantés jusque dans nos sentiers familiers : — témoin ce jour de honte trop mémorable — où fut livrée la fatale bataille de Crécy, — et où tous nos princes furent faits prisonniers — par cette noire renommée, Édouard, le prince Noir de Galles, — tandis que le géant, son père, debout sur un mont géant, — au haut des airs, couronné du soleil d’or, — contemplait son fils héroïque et souriait de le voir — mutiler l’œuvre de la nature et détruire — cette génération modèle que Dieu et les Français nos pères — avaient faite en vingt ans ! Henry est le rejeton — de cette tige victorieuse ; redoutons — sa puissance natale et sa destinée. Henri V- William Shakespeare
To be grounded by bad weather
Début octobre, revanchard, combatif, prêt à en découdre l'ost royal se regroupe à Rouen, capitale du duché de Normandie. Elle y prépare la contre attaque contre le félon et ses Godons. Pas question de "pugnir tres criminelement sans quelque miséricorde" ou "bouter l'Anglais", mais le but est de le pourfendre, de l'occire !
Le siège a duré plus longtemps que prévu, induisant diverses complications pour les Anglais. Henry a perdu globalement 2.000 hommes.
De plus, des violentes perturbations atmosphériques ont dispersé la quasi totalité de sa flotte. Venu d'un océan mugissant, des vents déchaînés, effrayants, tempétueux, impétueux, rageurs, déchirant les cieux, fouettant une mer démontée, furieuse, l'empêchent de faire voile vers l'Angleterre. "To be grounded by bad weather" ne convient pas à Henry. Il ne se laissera pas assiéger dans Harfleur dont il entraînerai la perte du seul fait de sa présence. Il ne se risquera pas hors des murs pour un affrontement où le nombre et le terrain lui seraient défavorables. Il opte pour la seule issue : "la chevauchée".
Pendant la guerre de Cent Ans, les chevauchées anglaises étaient des incursions éclairs sur des centaines de kilomètres dans le royaume de France. Sur son passage l'armée Anglaise "se servait" en pillant, puis ruinait tout ce qui se trouvait sur sa route, laissant des campagnes désolées, ravagées et des paysans affamés. Par la même, Henry sauve sa nouvelle colonie d' Harfleur... les Français focalisés sur sa seule personne, se lançant à sa poursuite.
Henry : Et nous ordonnons expressément que, dans notre marche à travers le pays, on n’extorque rien des villages ; qu’on ne prenne rien qu’en
payant ; qu’on ne fasse aucun outrage ; qu’on n’adresse aucune parole méprisante aux Français. Car, quand la mansuétude et la cruauté
jouent pour un royaume, c’est la joueuse la plus douce qui gagne. Henry V. William Shakespeare.
Ainsi Henry décide de rejoindre le plus rapidement possible Calais, port Anglais depuis 1347 quand six bourgeois de la ville, pieds nus, la corde au cou, avait livré la ville à Édouard III Plantagenêt. Henry projette de se diriger alors avec son armée vers le Nord de la France en vue de rembarquer vers l'Angleterre en traversant le pays de Caux, le comté d'Eu et le Vimeu.
Mais pas question d’abandonner Harfleur qui servira de tête de pont et de base pour une prochaine invasion. Une compagnie Anglaise de 1.300 hommes y prend ses quartiers sous le commandement de Thomas Beaufort, comte de Dorset. Ce dernier, également oncle du roi s'empresse de faire relever les murailles éboulées lors du siège.
Le 7 octobre, Henryavec le reste de l'armée lancastrienne prend la direction du nord-ouest. Son armée est composée de 6.000 hommes, dont 5.000 archers qui à Azincourt changeront le cours de l'histoire.
En 8 jours maximum de chevauchée (entendre donc raids) "l'Anglois" prévoit d'avaler les lieux (soient plus de 200 kms) le séparant de Calais. Erreur ! il en mettra 22 ! Il a envoyé un émissaire auprès de sir William Bardolph, Gouverneur de Calais, lui enjoignant de venir avec des troupes à sa rencontre.
Enfin regroupée début octobre, piaffant d'impatience, "enflammé d'ardeur", l'orgueilleuse, vaniteuse ost royal quitte Rouen. Ses grands feudataires, ses preux chevaliers, ses jeunes coqs avides de "gloriole" se lancent à la poursuite des "Godons" qui tentent en vain à franchir la Somme à l'ouest. Pas question de bouter l'Anglais et son félon souverain, mais de les pourfendre assurent ces rodomonts ! L'armée part sans le roi, ni le dauphin. Charles VI est malade, et le duc de Berry ajoute du bon sens. Il rappelle qu'à Poitiers le roi Jean, son père, fut fait prisonnier "et vaut perdre la bataille que le roi et la bataille". Quant au dauphin, lui aussi malade, il est trop jeune et le même raisonnement vaut pour le fils.
Pourchassé, essuyant des escarmouches, l’envahisseur est empêché de traverser le fleuve à Abbeville. Idem à Pont-Remy où Robert de Waucourt et ses deux fils tout en défendant leur château l’oblige à poursuivre vers Pont-Remy, à Blanquetaque (Blanche Tache), et Pont-Dormi. En vain ! alors que les François l'empêchaient de traverser la Somme, la majorité des renforts venus de Calais devant le rejoindre à Blanquenade étaient massacré.
Ainsi Henry V errant le long de la Somme doit dans sa quête désespérée s’aventurer à l'intérieur des terres. Au final, en suivant l'amont du fleuve, il trouvera un lieu guéable le 13 octobre, beaucoup plus au sud et très à l'est, probablement aux gués de Béthencourt et de Voyennes (Voiennes). Soulagés, le soir même, les Anglais dormaient dans le château des sires de Bailleul.
Le lendemain, toujours traqué mais espérant devancer ses poursuivants, l'envahisseur progresse vers le nord-ouest. Mais ces derniers, bien informés par des espions n'ignorent rien de sa route et le "serrent"de très près. A Blangy, Henri franchi la Ternoise : sans le savoir, il vient de franchir son Rubicon ! Bientôt ses "coureurs" l'alertent : les François sont partout et vont se loger à Roussauville et Azincourt.!
En effet, dans cette course-poursuite, l'ost royale finit à marche forcée par gagner du terrain et à décider difficilement de la stratégie à suivre.
Après avoir passé la ville de Frévent, où son oncle, le duc d’Yorck, qui commandait l’avant-garde l'attendait, des éclaireurs Anglais informent Henry que l'armée de Charles VI ferme la route de la vallée à venir. L'ost est impressionnante avec ses oriflammes, bannières, penons, toutes ces enseignes de guerre portées au-dessus d'une armée numériquement, bien supérieure aux forces Anglaises ! A Henry souhaitant plus de précisions, voici la réponse humoristique que lui fit David Gambe un des agents Gallois venu au rapport "There are enough to kill, enough to capture and enough to run away." - "Il y a assez pour tuer, assez pour capturer et assez pour s'enfuir".
L'Ost dispose de ses propres patrouilles de surveillance et mesure la faiblesse des troupes Anglaises. Forte de 50.000 hommes, de canons, de veuglaires, serpentines et "aultres oustillements de guerre", elle tient assurément sa victoire. Dans la plaine d'Artois, dans le comté de Saint Pol, non loin de Blangy, près du village d'Azincourt, la route de Calais est fermée aux fuyards,
Henry établit son campement sur la colline d'Azincourt, et les Français dans la plaine, près d'une rivière.
A l'initiative d'Henry V qui juge sa situation désespérée, les pourparlers commencent entre les deux camps. L'ost royale n'étant pas au grand complet gagne du temps. Côté Français, sont attendus avec leurs armées Jean V duc de Bretagne et Antoine de Brabant, un des frères de Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Si le premier qui négocie en secret avec les Anglais, se "hâte très lentement", le second qui arrivera alors que bataille est commencée, pressé, impétueux, belliqueux, ne prendra pas le temps de s'équiper pour se jeter au milieu des combattants. Son cadavre sera retrouvé deux jours après la bataille. Son frère, Philippe de Bourgogne, comte de Nevers fait partie des victimes .
Henry sait que défait, la toute nouvelle dynastie des Lancastre à peu de chance de rester sur le trône, et lui d'écrire la suite de l'Histoire.
En échange du passage vers Calais à 6 jours de marche, Henry négocie. Il propose d'abandonner toutes les possessions Anglaises en France, à l'exception de Calais, et de verser une somme exorbitante, en bonne monnaie sonnante et trébuchante. Cela ne suffit pas aux Français ! Ils exigent de lui l'abandon de ses prétentions à la couronne de France. C'est trop imposer à l'honneur d'un souverain fier et sur de son droit : les transactions échouent sur cette condition déshonorante pour Lancastre qui fièrement déclare aux émissaires Français qu'il " ne prenait ni la loi, ni le conseil de son ennemi, qu’on pouvait le trouver tous les jours et à toute heure en pleine campagne ».
Henry V et ses hommes épuisés, dans un rapport de force très défavorable (globalement 1 contre 3) allaient devoir le lendemain livrer bataille en rase campagne. Voilà 18 jours qu'ils étaient parti. Définitivement acculés, ils devaient vaincre ou mourir.
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