Quel misérable étourdi que ce roi d’Angleterre ! Venir si loin avec ses compagnons écervelés pour battre la campagne.
Henry V. William Shakespeare
Dans l'après-midi, Henri libère des otages traînés depuis Harfleur. S'il était vainqueur ils se livreraient à nouveau ; s'il perdait, ils gagnaient leur liberté.
Ensuite, après que ses hommes se soient abrités des pluies abondantes dans le village de Maisoncelle situé sur un plateau dominant Azincourt, Henri a étudié minutieusement et en stratège averti le lieu où l'affrontement aurait lieu, espérant compenser par la tactique l'inégalité numéraire de son armée. Il jouait plus que sa vie et celles de ses hommes. Certes pour ce roi pieux l'avenir de sa dynastie et le destin de l'Angleterre sont dans les mains de dieu ; mais si dieu lui avait conservé la vie jusqu'à ce jour, ne devait-il pas comprendre que le divin lui donnerait les moyens de triompher d'un ennemi impie ?
Lancastre note l'étroitesse du site : confiant, il en tirera parti.
A l'examen, le lieu où la bataille se déroulerait se résumait à une sorte de clairière de pente moyenne, sombre sous un ciel d'automne bas et pluvieux. Étriquée sa forme est rectangulaire, globalement 1 200 mètres sur 600. Dans la partie haute et au sud, les Anglais ; dans la partie basse et au nord les Français, le camp français jouxtant une rivière. Au nord Ruisseauville et au nord-ouest la forêt de même nom ; au sud et sur un plateau Maisoncelle .
L'emplacement est occupé par des champs fraîchement labourés, bordés de part et d'autre sur chaque longueur et en léger surplomb de deux forêts. A l'Ouest, celle d'Azincourt et à l'Est celle de Tramincourt. C'est donc sur une petite superficie toute en longueur et étroite que les hostilités se dérouleront. Premier handicap pour les Français. Ni la cavalerie, ni les hommes démontés ne pourront se déployer sur cette superficie aussi exiguë. L'armée de Charles VI n'aura d'autre choix que de se placer "en profondeur", perdant ainsi l'avantage du nombre.
Autre raison d’espérer pour Lancastre qui élaborait sa stratégie. Les bois empêchent toute manœuvre efficiente de la cavalerie et des fantassins Français. Pour accéder à ces derniers, il faut escalader deux talus tourbeux, pentus, et aboutissant à deux replats. Henri dissimulera dans les parties arborées des archers qui au dernier moment se dévoileront pour décocher leurs traits. Mis en embuscade, ces hommes joueront l’effet de surprise et causeront des pertes parmi les ennemis.
Enfin des pluies automnales abondantes et continues brouillent les paysages et noient les terres. Les champs récemment labourés et gorgés d'eau seront un handicap certain pour l'ost royal, et particulièrement pour la cavalerie qui contribuera à la liquéfaction des sols détrempés.
Henry construit la tactique Anglaise en tirant parti de ces points forts. Comme à Crécy, elle contrebalancera la supériorité numérique des Français pense Lancastre qui mise sur l'indiscipline de son ennemi qui ne pourra pas se coordonner sur un terrain où le nombre d'attaquants par rapport à l'étroitesse du site et les dégâts causés par pluies le desserviront. Mais avant tout Henry compte sur ses yeomen (ou "longbowmen") : ils sont la clé de la manœuvre militaire échafaudée par Henry. Commence t-il à imaginer que la peur au ventre et le ventre creux, ils faucheront sur la terre de France la fine fleur de la chevalerie française ?
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Aux Français le nombre ; la supériorité opérationnelle des Godons résident dans l'utilisation habile des archers. Instruit de Crécy, Henry dispose d'un atout formidable : son archerie.
En 1346, à Crécy, cette artillerie de jet a offert la victoire à Edouard III d'Angleterre qui livrait une bataille contre les Français, dans un rapport de force réellement défavorable. A Azincourt, l'archerie Anglaise ne compte aucun arbalétrier. Composée de 5 000 archers, très majoritairement Gallois elle est menée par le duc Thomas d'Erpyngham, "chevalier chenu de vieillesse" . Les yeomen, comme leurs frères d'armes, sont bien entraînés, disciplinés et soudés à un roi qui les subjugue. Épuisés et affamés, mais se battant pour sauver leur vie et grâce à un entraînement intensif, ces fantassins changeront le cours de l'histoire.
Ils sont équipés d'une arme de jet redoutable : les arcs longs ou longbows, en général en bois d'if. C'est un arc dont l'énergie cinétique est meurtrière. D'origine Galloise il a une portée de plus de 250 mètres, tirant 8 à 10 flèches en 1 minute.
Les pointes de flèche utilisées sont dites du type "bodkin". elles perforent côtes de mailles et armures. Elles ont été fabriquées dans la Tour de Londres. On a retrouvé sur le champ de
bataille deux types de bodkin (des pointes de sections carrées) des plutôt longues (comme sur la photo) idéale pour percer la cotte de maille, et des plus courtes et trappes pour percer les
armures de plate.
On a aussi des pointes de forme triangulaires avec deux ardillons : des plutôt petites, qui peuvent endommager les armures et faire de bons dégâts dans les chairs, et des bien larges, véritables
pointes de chasse idéales pour dégommer du gros gibier comme des chevaux, et du seigneur trop bien nourrit.
A priori, les pointes "tranche jarret" qui sont plus intéressantes pour chasser du petit gibier, ou à la limite endommager des voiles de navires, si on veut vraiment vraiment s'en servir à
la guerre n'ont pas été utilisées à Azincourt.
Les hommes de traits n'ont pas d'armure, et ne sont donc pas entravés dans leurs mouvements. Ils portent un "gambison" renforcé pour leur protection ventrale. En complément de cet équipement, parmi les accessoires utiles ils possèdent un demi-gant de cuir. Couvrant le poignet, ce dernier sert à enfiler l’index, le majeur et l’annulaire (ces deux derniers doigts formeront le V de la victoire ; ces deux doigts que les Français avaient jurés de couper). Un canon de bras, sorte de manchon protège l’avant-bras qui tient l'arc. Grâce à cette pièce de cuir, l'avant-bras est protégé du "coup de fouet" produit par la corde après la décoche de la flèche. Pour le combat corps à corps, redoutables car très véloces, ils disposent d'épées courtes, des poignards, de haches, des marteaux d'armes ou de marteau de lucerne. Leur tête est protégée par casque de cuir bouilli ou en osier, avec un renforcement en métal.
L'apport des archers Anglais au reste de l'Armée est double. Quand ils en reçoivent l'ordre, ils abandonnent l'usage de l'arc, pour combattre au corps-à-corps. Pour cela, ils ont différentes sortes d’armes de combat (miséricorde, épée courte, dague, armes d'hast...). De par leur équipement léger ils paraissent désavantagés face à des hommes portant armure. Mais de ce désavantage, ils tirent une force. Leurs gestes sont rapides et les hommes de jets sont parfaitement mobiles. Un cavalier harnaché jeté à terre a peu de chance de survivre face à eux. Prestes, agiles, dans une mêlée ils inquiètent la cavalerie démontée et les fantassins. Pour les Anglais, les longbowmen constituent un corps d'élite !
L'armement de trait n'a pas la faveur des Français. Ces attachés aux codes chevaleresques vertueux valorisant le preux chevalier chargeant démonté ou monté l'ennemi considèrent arc et arbalète comme armes des lâches. Au contraire, dans l'armée Anglaise les archers sont numériquement supérieurs en nombre. Dès 1252, l'archerie est une des composantes militaires entrant dans les tactiques des rois et le longbow dans l'histoire Anglaise (lien vers le longbow)...est une histoire ancienne, codifiée par divers souverains.
[... ] les ducs d'Orléans, de Bourbon, de Bar et d'Alençon. Ce dernier s'était vanté la nuit que s'il capturait Henry, il le promènerait à Paris, dans une cage. Faisaient partie de cette bataille, les comtes de Nevers, d'Eu, de Richemont, de Vendôme, de Marie, de Vaudemont, de Blamont, de Salmes, de Grand-Pré, de Roussy, de Dampmartin...
Même si le chiffre des combattants est aujourd'hui difficile à évaluer tant il est dénombré différemment selon les chroniques, les forces en présence indiquées ici représentent une moyenne.
Le roi : Nous sommes dans la main de Dieu, frère, non dans les leurs. - Marchez au pont ; il se fait nuit. - Nous allons camper au delà de la rivière ; - et demain nous ordonnerons qu’on se mette en marche.
Henry V. William Shakespeare.
Puis vient le soir, drapé d'une nuit obscure et désolée des deuils à venir. La dernière peut-être ! Les "godons" au visage gris, les traits tirés, le corps émacié par les privations et la maladie se mirent "au sec".
Henry, ses deux frères et ses égaux dans un modeste manoir, le "castel de Maisoncelle". Le reste des hommes dans les fermes et granges avoisinantes.
Voilà la description du camps Anglais par Jules Michelet.
"Les Anglais, ayant encore une nuit à eux, l'employèrent utilement à se préparer, à soigner l'âme et le corps, autant qu'il se pouvait. D'abord ils roulèrent les bannières, de peur de la pluie, mirent bas et plièrent les belles cottes d'armes qu'ils avaient endossées pour combattre. Puis, afin de passer confortablement cette froide nuit d'octobre, ils ouvrirent leurs malles et mirent sous eux de la paille qu'ils envoyaient chercher aux villages voisins. Les hommes d'armes remettaient des aiguillettes à leurs armures, les archers des cordes neuves aux arcs. Ils avaient depuis plusieurs jours taillé, aiguisé les pieux qu'ils plantaient ordinairement devant eux pour arrêter la gendarmerie. Tout en préparant la victoire, ces braves gens songeaient au salut; ils se mettaient en règle du côté de Dieu et de la conscience. Ils se confessaient à la hâte, ceux du moins que les prêtres pouvaient expédier. Tout cela se faisait sans bruit, tout bas. Le roi avait ordonné le silence, sous peine, pour les gentlemen, de perdre leur cheval, et pour les autres l'oreille droite".
Dans l'intensité du moment, vers Dieu s'élevaient les prières muettes et désespérées de ces hommes à la foi simple, tellement humaines dans leur désespoir - probablement condamnés le lendemain à mourir loin de leur pays et des siens.
Le dauphin : Quelle longue nuit que celle-ci !
Henry V. William Shakespeare.
Fort contraste avec le camps Français. Il s’installe au sud du futur champs de bataille, près d'une rivière. Dans la nuit la pluie est si abondante que la rivière se transforme en torrent et inonde une partie du campement Français. Ces derniers au lieu de prendre du repos déplacent urgemment leur bivouac. Jules Michelet passe l'incident du débordement de la rivière, mais nous donne à imaginer comment était le cantonnement de l'Ost ;
"On s'occupait à faire des chevaliers. Partout de grands feux qui montraient tout à l'ennemi: un bruit confus de gens qui criaient, s'appelaient, un vacarme de valets et de pages. Beaucoup de gentilshommes passèrent la nuit dans leurs lourdes armures, à cheval, sans doute pour ne pas les salir dans la boue; boue profonde, pluie froide; ils étaient morfondus. Encore, s'il y avait eu de la musique... Les chevaux même étaient tristes; pas un ne hennissait... À ce fâcheux augure, joignez les souvenirs; Azincourt n'est pas loin de Créci".
Et puis certains dans une ambiance de forfanteries déjà dans l'exaltation d'une victoire sans surprise se rinçait e gosier, "jusqu'à écorcher le renard".
Ô Dieu des batailles ! - retrempe les cœurs de mes soldats ! - Défends-les de la crainte ; ôte-leur - la faculté de compter, si le nombre de nos adversaires - doit leur enlever le courage !… Pas aujourd’hui, mon Dieu ! -
Henri V - William Shakespeare
"Comme vous pourrez "oyr" au petit matin blafard et transit d'une lugubre journée, la triste terre oubliée d'Azincourt émergea tragique de lambeaux de brume, frissonnante et glaciale.
Soumis à la fatalité comme à leur roi, les anglais s'étaient levés. Dans la petite chapelle de Maisoncelle, le pieu Henry V, grave, attendait ses hommes pour leur recommander de faire la paix avec Dieu en confessant leurs fautes. Lui-même l'avait fait et "avait une grande espérance de gagner la bataille, parce que les Francois étaient tous pleins de pêchés et ne craignaient pas le Créateur".
Puis dans ces instants tragiques à venir où la plupart mourraient, "les Godons" et Lancastre dans ce lieu saint, se recueillirent humblement, avec une ferveur inégalée aux trois messes célébrées par l’évêque de Bath. Aucun poltron parmi eux : ils se souvenaient simplement qu'ils étaient mortels ! Alors que la fatalité fondait sur cet ailleurs de nulle part de France, l’humble Anglois sur cette terre étrangère, ce pays de mort, dont son roi se proclamait maître, priait son Seigneur, le requérant pour sa vie, sa survie, ou une place pour l’éternité.
Après le temps des prières, aux abois, Henry tente une dernière négociation. Très probablement, Lancastre gagne du temps pour positionner ses hommes.
Sans surprise, cette ultime tentative ayant été dédaignée, l'heure des prouesses arrivait.
Quand ses hommes furent positionnés, il se présenta monté sur "un petit cheval gris, sans éperons".
Voici la harangue d'un roi dont ni la voix, ni le regard ne trahissaient la moindre inquiétude en dépit de la gravité du moment : ce discours improvisé destiné à rassurer ses soldats est rapporté par Jules Michelet :
"Vous avez bonne cause, je ne suis venu que pour demander mon droit... Souvenez-vous que vous êtes de la vieille Angleterre; que vos parents, vos femmes et vos enfants vous attendent là-bas; il faut avoir un beau retour. Les rois d'Angleterre ont toujours fait de belle besogne en France... Gardez l'honneur de la Couronne; gardez-vous vous-mêmes. Les Français disent qu'ils feront couper trois doigts de la main à tous les archers".
Ils le crurent ce rejeton des Lancastre, ce "rejeton de la gloire" qui dès 1400 s'était illustré aux côtés de son père sur les champs de bataille. En 1403, à 16 ans, à la bataille de Shrewsbury, il avait survécu miraculeusement alors qu'une flèche l'avait atteint mortellement au visage. N'est ce pas Dieu qui a permis à Henry d'échapper, juste avant d'embarquer pour Harfleur, au complot de Southampton, visant à placer sur le trône Edmund Mortimer ? Bienveillant, Henry est aimé de ses soldats qui ne se préoccupent pas de politique qui est affaire des nobles. Henry partage leur quotidien, leurs privations, même la faim qu'ils éprouvent comme après un mois de jeune.
Une première ligne de front d'hommes d'armes pied à terre, ferme à chaque extrémité la clairière dans toute sa largeur. Elle est composée de quatre rangs d'hommes disposés en profondeur, formant trois corps d’infanterie. Entre les trois corps de fantassins, deux compagnies d'archers ont été intercalées. A chaque extrémité de la ligne, en "Flanc-Garde", d'autres hommes de traits sont positionnés légèrement plus en avant, pour empêcher que l’adversaire enfonce la ligne et ne prenne à revers la ligne de front. Tous les archers, indispensables aux tirs de barrage, quelque soit leur position sont retranchés derrière des pieux en bois fichés dans le sol. Taillés en pointe affûtée et inclinés obliquement vers l’ennemi, ces derniers sont une protection terriblement efficace. Henry V a remarqué que de part et d'autre du champs de bataille, une inclinaison de terrain conduit aux deux bois. Il y dispose sans que les Français ne s'en aperçoivent, des yeomen dissimulés derrière des arbres. Ces derniers dominent le site et les déloger sera difficile en raison d'un terrain pentu et boueux.
Ces archers qui vont accomplir l'impossible n'inquiètent nullement les Français renseignés par leurs espions. Jules Michelet les décrits tels qu'ils apparaissent, misérables, épuisés, inoffensifs :
"L'armée anglaise n'était pas belle. Les archers n'avaient pas d'armure, souvent pas de souliers; ils étaient pauvrement coiffés de cuir bouilli, d'osier même avec une croisure de fer; les cognées et les haches, pendues à leur ceinture, leur donnaient un air de charpentiers. Plusieurs de ces bons ouvriers avaient baissé leurs chausses, pour être à l'aise et bien travailler, pour bander l'arc d'abord, puis pour manier la hache, quand ils pourraient sortir de leur enceinte de pieux, et charpenter ces masses immobiles".
En arrière une seconde ligne est déployée. Elle est séparée en certains endroits de la première par des pieux en bois identiques à ceux déjà cités. En son centre, Henry sur sa monture est entouré de cavaliers à cheval. Au dessus de son harnois, le roi a passé une cote d'armes (surcot) frappée aux armes de France et d'Angleterre avait passé un Au plus prés de lui, Sir John Codrington, porte la bannière frappée des fleurs de lys et des léopards, reproduisant l'écu royal (Écartelé, aux 1 et 4, d'azur à trois fleurs de lys d'or ; aux 2 et 3, de gueules à trois léopards d'or armés et lampassés d'azur) . De l'autre côté du roi, flotte l'étendard à la croix de Saint Georges, sur lequel sont cousus une antilope, les roses des Lancastre, et la devise personnelle du roi : "Dieu et mon Droit". Au centre, le roi est assisté de son frère cadet, Humphrey duc de Gloucester. Devant les deux hommes, et à la main gauche du roi, le premier contingent est commandé par Lord Camoys. Le duc d'York, oncle du roi est au centre, tandis que Sir Thomas Erpingham se tient à gauche.
Le plan initial arrêté par le maréchal Boucicaut, instruit des défaites de Poitiers et Crécy, excluait une charge frontale de la cavalerie. Il prévoit deux corps d'hommes démontés, précédés de l'archerie.
Selon Anne Curry professeure d'histoire médiévale à l'Université de Southampton les Français prévoyaient de se confronter aux godons dans une grande plaine plus à l'est d'Azincourt.
Légèrement en retrait, sur les flancs gauche et droit, deux corps de cavalerie, renforcés d'hommes à pieds y compris des valets d'armes. Une des deux formations devaient disperser les archers ennemis, et l'autre prendre à revers les Anglais.
Ce plan qui de toute évidence ne s'appliquait pas à la géographie d'Azincourt, ne sera jamais exécuté.
Guillaume VIII Martel de Saint Vigor et de Bacqueville qui a la garde de l'oriflamme du roi porte fièrement l'étendard royal.
En raison d'un trop grand nombre d'hommes pour un terrain exiguë qui ne permet aucun déploiement, l'Ost se range en "trois batailles", en profondeur et en masse.
L'avant -Garde, commandée par Charles d'Albret et Boucicaut, est composée d'hommes démontés, encadrée sur ses deux côtés de cavaliers chargés d'attaquer les archers Anglais.
Charles d'Orléans et Jean de Bourbon sont au premier rang au même titre que Charles d'Albret et Boucicaut. Enguerrand de Monstrelet, encore lui, identifie les principaux personnages, à savoir outre ceux déjà nommés, les comtes d'Eu et Richemont, David de Rambures et de Drucat le grand maître des arbalétriers, le seigneur de Dampierre, amiral de France, messire Guichart Dauphin seigneur de Jaligny, et bien d'autres capitaines. Il n'est pas nommément cité, mais le maître des arbalétriers est dans l'avant - garde comme David de Rambures.
Au centre, "la bataille principale" constituée également de fantassins à pieds parmi lesquels sont des arbalétriers. Les ducs de Bar et d'Alençon en sont les chefs. Le même chroniqueur cite les
comtes de Nevers, de Vaudemont, de Blamont, de Salmes, de Grand-Pré et de Boussy.
Le connétable : Je suis fâché que ses troupes soient si peu nombreuses, - ses soldats malades et exténués par la faim et la fatigue ; - car je suis sûr que, dès qu’il verra notre armée, -il laissera tomber son courage dans la sentine de la peur - et pour tout exploit, nous offrira sa rançon.
Henry V. William Shakespeare
Charles Ier, sire d'Albret, cousin germain du roi et connétable de France commande l'ost royale au même titre que le maréchal Jean Le Meingre, dit Boucicaut. Ce dernier a mis au point un plan de bataille qui hélas ne sera pas totalement suivi. En réalité, tout le monde veut commander et la qualité des combattants qui comme Charles d'Orléans, Jean d'Alençon et Jean de Bourbon sont des princes rendent difficiles la tâche de "professionnels" comme Charles d'Albret et Boucicaut, militaires avisés, "blanchis sous le harnais".
Derrière, l'Avant-Garde. En réserve, elle est composée des gens d'armes qualifiés, de mercenaires côtoyant piétaille, ribaudaille et valetaille, indignes de se battre aux côtés de la fine fleur de la chevalerie. La gueusaille à l'arrière et la pédantaille à l'avant ! les comtes de Marle, de Dampmartin, de Fauquembergue encadrent cette troupe. Tous deux sont assistés par le seigneur de Lauroy, capitaine d'Ardre.
Le dauphin : C’est le prince des palefrois ; son hennissement est comme le commandement d’un monarque, et sa contenance force l’hommage.
Henry V. William Shakespeare.
De part et d'autre des trois batailles, les hommes montés sont regroupés. En raison de l'état du terrain et du souvenir de la défaite de Crécy, les Français sont prudents. Ils ne s'appuieront pas totalement sur une charge de la cavalerie.
Un objectif unique est assigné à cette dernière. Dès le début des hostilités, ils seront lancés pour anéantir les longbowmen, avant de laisser la place aux hommes démontés.
Ces deux ailes sont confiées respectivement à Louis de Bourbon, comte de Vendôme, et messire Clignet de Brabant amiral de France. Quelques noms composant ce corps d'élite : messire Louis Bourdon, messire Guillaume de Saveuse, Hector et Philippe ses frères, Ferry de Mailly, Aliaume de Gapaumes, Alain de Vendôme, Lamont de Launoy, un certain sire de Gaules...et plusieurs autres encore.
Henry : J’ai peur que tu ne viennes encore une fois parler de rançon.
Henry V. William Shakespeare
L'artillerie notamment ne peut être déployée dans la boue épaisse et les arbalétriers comme d'habitude sont derrière les chevaliers et les hommes d'armes. Tous sont à pied, sauf quelques chevaliers sur les flancs, pour éventuellement charger les archers de l'adversaire.
Les commentateurs français estiment que les chevaliers ont peu à craindre car, s'ils sont capturés, une rançon sera versée pour les libérer. Ce n'est pas le cas de la piétaille, composée de simples soldats. Ceux-ci ont intérêt à bien se battre et défendre chèrement leur peau.
Nous voyons là-bas le commencement du jour, mais je crois que nous n’en verrons jamais la fin…
Henry V. William Shakespeare
Le terrain est détrempé par une pluie qui ne s'est arrêté que le matin. Les sols boueux sont couleur bistre. Le religieux de Saint-Denis écrira que les troupes françaises "marchaient dans la boue qui s'enfonçait jusqu'aux genoux. Ils étaient déjà vaincus par la fatigue avant même de rencontrer l'ennemi". Contrairement aux Français, les "Godons" qui ont le ventre creux, ont au moins dormi à l'abri, bien au sec.
Les terres fraîchement labourées rendent le terrain impraticable ; ce terrible bourbier sera fatal aux charges de la cavalerie Française.
Il faisait encore nuit quand discrètement et avec rapidité des archers Anglais se dissimulèrent dans les bois surplombant de part et d'autre la clairière où la bataille aurait lieu. Les Français ne remarquèrent rien, centré sur leurs propres préparatifs et sur l'observation des archers Anglais semblant prendre position face eux.
Vers 10H00, feignant une agression, à la tête de hommes, Henry descendit du plateau de Maisoncelle, aux cris de guerre de "Saint Georges" et "Guienne" ! (Guyenne).
Surpris par cette manœuvre inattendue, ni préparés, ni armés, encore démontés c'est dans le désordre que les français surpris allait répliquer, inconscients qu'en avançant vers Henri V ils tombaient dans un piège où ils serviraient de cible pour les yeomen surplombant le champs de bataille.
Henry : Prends-le, brave York… Maintenant, soldats, en marche. - Et toi, ô Dieu, dispose de cette journée comme il te plaira !…
Henry V. William Shakespeare.
Dans un premier temps, les archers Anglais s'avancèrent au plus près des Français, à 250 mètres, soit la portée de l'arc. Et quand Thomas de Herpinghem jeta son bâton de commandement en hurlant "Now strike" les longbowmen décochèrent des nuées de flèches mortelles qui atteignirent un grand nombre d'hommes et de montures.
Puis ils reculèrent promptement et en bon ordre derrière les pieux de bois pointant vers l'adversaire, de façon à ce que les attaquants Français s’engouffrent rapidement dans la partie la plus étroite de la clairière indiquée par leur roi : à ce moment, ils banderaient leurs arcs et lanceraient à nouveau leurs traits.
La bannière de Saint Denis flottant au dessus de l'Ost royale, dans l’excitation et au cri de ralliement triomphant de "Montjoie ! Saint-Denis", sous un ciel mauvais, obscurci de flèches anglaises, les deux premières vagues d'attaquants harnachés s'élancent impétueusement sur leurs chevaux bardés vers "ces charognes insulaires". Dans cet élan superbe, il y a toute la France qui enflamme le cœur vaillant de la noblesse des lys !
Quatre vagues vont se succéder.
Le connétable de France :— Ils ont dit leurs prières, et ils attendent la mort.
Henry V. William Shakespeare
Conduites respectivement par Louis de Bourbon et Clignet de Brabantelle elles ont pour objectif d'éliminer les archers Anglais, puis de prendre à revers le reste des Godons.
Les cavaliers ont beau donner des éperons pour forcer leur monture à aller de l'avant, leur élan est freiné par un terrain fangeux où les chevaux glissent, peinent à avancer, puis s'embourbent. Enlisées, ces deux premières vagues d’attaquants sont surprises par une grêle de traits meurtrière venue des Gallois embusqués dans les forêts, tandis qu'elles essuient de face le tir nourri des archers déterminés de la ligne Anglaise.
Le pire est à venir. La charge massive qui devait être suivie par une manœuvre de repli calculée pour laisser place à une seconde charge n'a plus de sens. Les premiers cavaliers tombés face à la première ligne Anglaise forment des obstacles culbutés par ceux qui suivent. Les destriers touchés par les yeomen précipitent dans des hennissements terribles leur cavalier portant armures dans la boue. Ces derniers ont du mal à se relever et à s'extirper de la glaise. Démontés, sous le poids de leur harnois, les hommes qui ne sont pas encore blessés, sont incapables de se remettre seul en selle, alors même que les chevaux ruant dans tous les sens les piétinent dans des hennissements terribles. Tandis que les cadavres des hommes et des coursiers bouches et naseaux couverts d'une bave mousseuse ensanglantée s’enchevêtrent, s'amoncellent et sont autant d'obstacles désorganisant l'attaque Française, une deuxième charge de cavalerie donnant furieusement, du "gras des deux jambes" et des deux éperons tente d'atteindre "les Godons". Et selon la chronique de Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy "commencèrent à cheoir hommes d'armes sans nombre". La terre détrempée et grisâtre d'Azincourt est déjà rouge sang !
Orléans : Ô seigneur ! le jour est perdu, tout est perdu !
Henry V. William Shakespeare.
Malgré tout, dans un tumulte terrible, grâce au nombre et au prix d'efforts surhumains, rageurs, les hommes d'armes démontés échappant aux tirs convergents des yeomen, parvinrent à atteindre la première ligne Anglaise, où en son centre, se tient Henry V. L'issue de la bataille semble tourner à l'avantage des "Franchois". Certains d'entre eux dans une mêlée indescriptible, frappant d'estoc et de taille s'approchent assez près d'Henri V pour que le duc d'Alençon monté sur un destrier surgissant de la cohue fende un des fleurons d'or de la couronne du heaume d'Henri V, avant de tomber mort, touché par une flèche. Une autre version indique que c'est l'archer Gallois Dafydd ap Llewelyn ap Hywel qui avec quelques compagnons à tué le duc d’Alençon.
Sauvé, dégagé in extremis par ses hommes qui frappaient de la pointe et du tranchant de leur épée, Lancastre ordonne à ses archers et coutiliers de se jeter dans la mêlée. Avec des armes de corps-à-corps (miséricorde, épée courte, dague, armes d'hast...) et âprement avancent jusqu'à enfoncer les lignes françaises et faire reculer les fantassins Français. Les Français sont trop épuisés pour lutter contre les armes de tailles et d'estoc . Hébétés par une défaite inimaginable mais qui se dessine, ils reculent devant des Anglais féroces, diaboliques dont le désir de vivre décuplent les estocades. Dans cette retraite qui se fait dans la plus grande confusion au milieu des cris des blessés, les français se heurtent à une nouvelle vague d'attaquants, allant de l'avant, et venant de leur propre camps. Le chaos qui s'ensuit côté Français amorce une déroute totale permettant à Henri V d'achever une contre-offensive victorieuse. Au final, après avoir brisé l'avant-garde française dont la d&débandade se transforme en fuite, Henri V attaque avec succès. Quand les Anglais atteignirent le camps Français, ils y trouvèrent des trésors, mais aussi charrois plein de provisions et chevaux de traits, matériels de guerre, tentes ...
Ainsi, en fin d'après-midi "furent desconfitz en bataille" l'ost royale et ces rodomontades.
"Mortelle desconfiture" pour les Français ! Globalement 2 000 tués du côté de Français contre approximativement 500 du côté des Anglais.
Allons, rendons-nous en procession au village ; - et que la peine de mort soit proclamée dans notre armée - contre quiconque se vantera de cette victoire et retirera à Dieu une gloire qui est à lui seul.
Henry V. William Shakespeare.
De par la volonté de Dieu, crépuscule sur le royaume fracassé de France ! Les lois divines avaient châtiés "les Francois qui étaient tous pleins de pêchés et ne craignaient pas le Créateur". Les prisonniers sont plus nombreux que leurs gardiens. D'une terre de France fangeuse, souffrante, martyrisée, saignée, agonisante, montaient gémissements et râles de ceux qui blessés se vidaient de leur sang. Et au milieu de ce chaos, vision fantomale, Henry. Monté sur son cheval avançant lentement, il identifiait les morts.
Craignant l'arrivée de renforts Français, Henry au cœur de fer ne s'embarrasse pas de laisser des survivants qui étaient à cette époque, surtout s'ils étaient de haut rang, pour le vainqueur libéré contre une rançon. Pas de pitié, pas de quartier, pas de rançons : les prisonniers qui n'ont pas été taillés en pièces seront "occis", à l'exception de six otages politiques de très haut rang, parmi lesquels Charles, duc d’Orléans, Arthur de Bretagne...
Henry : Mais, écoutez ! quelle est cette nouvelle alarme ? - Les Français ont rallié leurs troupes dispersées ! - Eh bien, que chaque soldat tue ses prisonniers. - Communiquez cet ordre.
Henry V. William Shakespeare.
Cette extermination contraire aux codes éthiques chevaleresques n'a pas posé un problème de conscience à Lancastre. Cependant ses archers rechignèrent à exécuter les ordres de leur maître. Non par charité chrétienne, mais par déception de la perte de la rançon.
Mais le ton et le regard d'Henry se firent implacables.
Aussi, ignorant l'effroi qu'ils lisaient dans les yeux des condamnés horrifiés et impuissants, des Anglais ords et impitoyables, surexcités par l'odeur du sang et ivres de se trouver vivant, exécutèrent l'ordre d'Henry. Sans état d'âme, les vainqueurs se firent assassins et pilleurs en dépouillant les "vaillans trespasses" laissés nus sur la maudite terre d'Azincourt.
Spectacle étrange ! Au milieu d'une scène apocalyptique empestant le sang et la mort, surgit Henry, dominant un royaume fracassé, gisant dans la plaine d'Azincourt. L'air surpris, encore étonné par ce destin qui s'est joué des Français, le regard Lancastre contemple un enchevêtrement de corps d'hommes et de chevaux. Il tente d’identifier au travers des signes héraldiques (notamment en regardant les cotes armoriées) parmi l'élite nobiliaire de France quelques morts au lignage les plus prestigieux. Déjà, des nuées tournoyantes d'oiseaux affamés attirés par la puanteur dégagée par les corps se préparaient au festin offert par l'anglais !
Le roi Henry V :[...] A compter de ce jour jusqu'à la fin du monde, - Sans que de nous on se souvienne, - De nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes cette bande de frères. - Car quiconque aujourd'hui verse son sang avec moi,- Sera mon frère ; si humble qu'il soit,- Ce jour anoblira sa condition. - Et les gentilshommes anglais aujourd'hui dans leur lit, - Se tiendront pour maudits de ne pas s'être trouvés ici, - Et compteront leur courage pour rien quand parlera, - Quiconque aura combattu avec nous le jour de la Saint Crépin.
Henry V. William Shakespeare.
A William Shakespeare de tremper sa plume d'oie, de bien la rouler entre ses doigts pour que d'une calligraphie assurée, il occulte avec éloquence cette transgression des vertus chevaleresques qui a conduit a une boucherie.
On le lira après, que l’attaque d'Ysambart d'Azincourt qui venant à revers parvient à piller les bagages d'Henry V justifiera la tuerie.
On ne retiendra de la pièce que les hauts faits d'armes du rejeton héroïque des Lancastre, qui pourchassé à la tête d'une armée épuisée et affamée avait à 28 ans mérité son titre de roi, confirmé par des faveurs célestes qui avait choisi le camps de la nouvelle dynastie.
Observons tous les rites sacrés ; qu’il soit chanté un Non nobis et un Te Deum.
Henry V. William Shakespeare.
Henry n'a qu'un chagrin, un tout petit : alors que durant la bataille le sort penchait en faveur des Anglais, Ysambart d'Azincourt venu de de son château d'Azincourt situé derrière le camp français , encadrant avec Robinet de Bournonville et Rifflart de Palmasse plus de 500 paysans, était parvenu à piller les bagages royaux laissés à Maisoncelle.
Parmi le butin, la couronne et l'épée royales, ainsi que les grands sceaux d'Angleterre !
Cette attaque Ysambart d'Azincourt qui pouvait laisser présager une contre attaque Française servira à Henry de prétexte au massacre des prisonniers Français majoritairement blessés mais encore vivants. Henry a perdu sa couronne, mais là où son père l'avait usurpé, il a en gagné une : celle de la gloire !
En remerciement à Dieu qui lui avait offert une victoire inespérée, Henry "Le pieux" donna l'ordre de chanter le Non nobis et le Te Deum Avi.
Les morts une fois déposés pieusement dans la terre, - nous partirons pour Calais et puis pour l’Angleterre, - où jamais plus heureux hommes ne sont arrivés de France !
Henry V. William Shakespeare.
Les armes rengainées, après une nuit de repos à Maisoncelle, sans plus attendre, les Anglais font route vers Calais, à 3 jours (distante de 60km environs).
On imagine que sur le chemin de retour, Henry se soit demandé si après avoir reconstitué de nouvelles forces militaires à Calais, il ne profiterai pas de son avantage pour d'autres "grans concquestes", annexions de plus de terres, de villes et de châteaux ? Mais une nouvelle campagne de France supposait que son parlement vote à cette fin des subsides, ce qui était moins certain. Le 29 octobre, après une dernière nuit passée au château de Guînes (le comté de Guînes jouxtant Calais était une possession Anglaise), Henry franchit les portes de Calais sous les acclamations des Calaisiens.
Le 16 novembre, quatre mois avant son débarquement en France, Henry, qui a mérité son titre de " Concquerrant", pose le pied à Douvres. Avant de regagner Londres le vainqueur, homme très pieux, fit un pèlerinage dans la ville de Canterbury pour faire ses dévotions aux reliques de Thomas Becket conservés dans une chasse et déposer ses offrandes.
Le 23 novembre, Lancastre entre triomphalement dans sa capitale. Dans le cortège figure ses prisonniers les plus illustres, comme Charles d'Orléans et Louis de Vendôme. Le même jour, Charles VI et le dauphin Louis duc de Guyenne quittaient Rouen
Le 18 décembre 1415, Louis décédait à Paris. Son frère Jean de Touraine devint dauphin jusqu'à sa mort le 4 avril 1417. A son tour, Charles, futur Charles VII, onzième enfant de Charles VI et d'Isabeau de Bavière prit le titre porté par l'héritier royal.
Azincourt !Le Bourgeois de Paris donne son avis sur cette défaite :
"Les Français étaient moitié plis nombreux que les Anglais et ils furent battus, tués et les plus grands princes de France faits prisonniers [...] jamais à aucun moment depuis que Dieu naquit ne fut fait autant de prisonniers en France par les Sarazins ou par autres, car avec eux moururent plusieurs baillis de France [...].
Si côté Français, Jacques Bainville retient du désastre, une unité patriotique, il note également que "Le désastre d’Azincourt ne ranima pas la France : elle se dissolvait. Par un autre malheur, les chances de l’avenir reculèrent. En quelques mois, trois dauphins moururent. Seul resta le quatrième fils de Charles VI, un enfant. La longue incapacité du roi fou ne finirait que pour une nouvelle minorité : Henri V pouvait se proclamer roi de France. D’ailleurs les Français se battaient entre eux devant l’ennemi".
Azincourt, une défaite militaire aux effets politiques désastreux pour un royaume dont le souverain insensé est le jouet des deux clans rivaux. Bientôt la famine, la peste, la dysenterie et autres épidémies viendront s'ajouter aux malheurs du royaume. Henry reviendra, assez fort pour imposer cinq ans plus tard le traité de Troyes.
Le 21 mais 1420, Isabeau de Bavière, au nom de son époux, Charles VI, signait l’infâme "traictié" de Troyes qui a priori met fin au conflit franco-anglais. Le texte comportait deux clauses essentielles.
La première écarte le fils du roi et d'Isabeau de Bavière, le quatrième dauphin Charles (futur Charles VII). C'est ainsi que "le daulphin fut banny du royaulme et jugié indigne de la succession du royaulme de France." Son fol géniteur qualifie son fils de "soi-disant dauphin". A ce dernier, il a préféré pour lui succéder à sa mort, Henri V.
La seconde renforce la légitimité de l'Anglais à monter sur le trône de France par un mariage. Charles VI donne en épousailles au roi d'Angleterre, sa fille Catherine de Valois. Autant dire que le royaume était la dote que Catherine apportait au roi d’Angleterre. Après cette belle opération, Henri V obtient plus : il est nommé régent de France.
Le 6 décembre 1420, une assemblée qui joue la fonction octroyée aux États généraux enregistre sans état d’âme le traité de Troyes : la France voulait la paix et en avait assez de payer des impôts destinés à la poursuite des hostilités. Contrairement à ce qu'à écrit Jacques Bainville, Henry V ne s'est pas proclamé roi ; c'est les Français qui lui ont offert la couronne des lys !
Exeter : Le Dauphin couronné roi ! tous volent à lui ! — Oh ! où voler nous-mêmes pour échapper à tant de honte ?
Henry VI. William Shakespeare.
A cette exhérédation injuste, à une souveraineté bradée aux Anglais, Dieu répondra tardivement par l'envoi de sa messagère auprès de Charles : Jeanne d'Arc.
A Bourges, le dauphin renié par ses parents constitue une cour delphinale. Allié aux Armagnacs. Il contrôle globalement le centre et le sud du royaume (Anjou, Auvergne, Berry, Dauphiné, Lyonnais, Orléanais, Poitou, Provence etc...), soit la moitié de son royaume. Seul le Nord et la Guyenne demeurent sous le contrôle des Anglais.
En 1422, l'âme de Charles VI s'envole vers un monde meilleur. Quand la nouvelle lui parvient au château d'Espaly (Haute Loire, près du Puy en Velay) Charles se proclame roi de France. En se rendant à Poitiers où il a installé sa capitale provisoire il s'y fait couronner sous le titre de Charles VII. Par dérision, ses ennemis le qualifient de"roi de Bourges". Timoré, il tient ses positions territoriales, sans passer à l'offensive.
Février 1429, c'est le temps du miracle, avec l'apparition d'une envoyée de Dieu, âgée de 17 ans : Jeanne d'Arc, l'envoyée céleste venue "réveiller" le prince pusillanime qui se contentait d'une dépouille de son royaume.
La pucelle salvatrice aidée de Dieu ira le chercher à Chinon pour le conduire à Reims, où il y sera sacré roi de France une seconde fois. Le timoré souverain sera prochainement connut de ses contemporains comme "Charles le Victorieux", surnom bien mérité notamment après la bataille de Castillon en juillet 1453 qui oblige les Anglais à évacuer le duché de Guyenne. Désormais seule Calais reste anglaise.
La suite est une autre histoire.
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