LA CREATION ET LE DEVELOPPEMENT DES GRANDS MAGASINS SOUS LE SECOND EMPIRE
Paris, 1852, Aristide Boucicaut (AB) ouvre le Bon Marché (BM) et inaugure le premier grand magasin (GM) au monde.
Toutes les femmes accourent, se pressent pour découvrir ce lieu d’abondance et de beauté à nul autre pareil.
Attirées par ces nouveaux paradis, les bourgeoises quittent leurs foyers et sortent seules de chez elle.
L’apparition du GM est un tel choc que l’écrivain Emile Zola, témoin attentif de son temps, lui consacrera un roman « Au bonheur des dames ».
« N’était-ce pas une création étonnante ? Le GM bouleverse le marché ; il transformait Paris car il était fait de la chair et du sang de la femme. »
Une première révolution est en marche. En créant le BM, AB invente une véritable machine de l’aliénation et du progrès. Il jette les bases du commerce moderne et de la société de consommation dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui. Et dans le même temps, il ouvre la boîte de Pandore qui mènera les femmes sur le long chemin de leur émancipation.
Rien ne prédestinait AB à un destin exceptionnel. Né en 1810 à Bellême, une petite ville située au cœur de la campagne normande, il est le fils d’un chapelier qui tient boutique dans la rue principale. A 18 ans, il quitte Bellême pour aller vendre des articles de bonneterie sur les marchés de Normandie.
A travers cette rude vie de nomade, le jeune A apprend les premiers rudiments de son métier. Comment il faut rassurer les acheteurs méfiants et comment pousser les belles fermières à ouvrir leur porte-monnaie. Après sept années d’apprentissage, AB a un avenir tout tracé. Il ne lui reste plus qu’à reprendre la boutique de son père et à épouser une fille de la région. Mais l’homme a un autre tempérament. Il a soif d’apprendre et de découvrir ce qu’il ne connaît pas encore. A 25 ans, il décide de monter à Paris pour tenter sa chance.
Cet homme est un entrepreneur, impétueux, aventurier, toujours impatient de passer à l’étape suivante. C’est un battant ; Il essaie tout de suite de monter à Paris. Ce qui n’était pas inhabituel à l’époque. La plupart des grands entrepreneurs venaient de province. En fait, les 2/3 de la population parisienne était nés en-dehors de la capitale.
La capitale qu’A découvre, en 1835, est sombre, sale et délabrée. Les ruelles étroites du centre sont surpeuplées, étroites et mal approvisionnées. Avant l’âge industriel, les gens ne possédaient que très peu de choses : quelques vêtements, un tabouret en bois, de la literie, une casserole. Ils n’avaient pas grand-chose à acquérir et possédaient des biens constituaient plutôt une gêne.
Mais la Révolution industrielle en marche suscite l’émergence d’une nouvelle classe sociale qui ne demande qu’à dépenser. Et le commerce est en train de changer. Pour la première fois, plusieurs boutiques sont réunies dans un même espace : les passages couverts. Le shopping est né avec les passages couverts. Ils attiraient les gens et constituaient un havre de paix dont le monde extérieur était exclu. Ils formaient un petit labyrinthe à travers Paris ; ils étaient sûrs, n’étaient pas la proie des pickpockets et les passants ne risquaient pas d’être éclaboussés par la boue. C’était une sorte de cocon où on pouvait marcher lentement, flâner de boutique en boutique.
L’apparition des magasins dits de nouveautés marque une nouvelle étape dans cette évolution. Aux Phares de la Bastille, à la Place Clichy, à la Ville de Saint-Denys. Ces enseignes à comptoirs multiples sont les premiers à proposer une diversité de marchandises. On peut y acheter à la fois ses gants, sa robe et ses draps. C’est justement dans un de ces magasins de nouveautés : le Petit Saint Thomas situé rue du Bac, qu’AB va trouver un emploi. Et c’est dans cette même rue qu’AB va rencontrer Marguerite Guérin, sa future épouse. AB reste 13 ans au Petit Saint Thomas ; il gravit pas à pas tous les échelons : de simple commis drapier à chef de rayon au comptoir des châles.
Durant cette période, la mécanisation de l’industrie textile modifie les rythmes de production. Désormais, les étoffes et tissus sont fabriqués rapidement et en grande quantité grâce à une main-d’œuvre composée principalement de femmes et d’enfants. Le résultat une explosion de l’offre et une demande qui suit petit à petit : des tissus, des rubans : tout ce qui touche au tissu d’ameublement, d’habillement explose.
Le problème est qu’il y a énormément de biens manufacturés qu’il faut distribuer et vendre. Il n’existe pas de lieux physiques où ils peuvent être vendus en grande quantité alors qu’on assiste à l’émergence d’une clientèle qui sera en mesure de les acheter.
Tandis que cette nouvelle classe bourgeoise issue de la Révolution industrielle s’enrichit, l’immense majorité de la population survit avec des salaires de misère. Les inégalités se creusent et le mécontentement grandit jusqu’à ce que le peuple de Paris se soulève en 1848. C’est le cahot. Les barricades qui surgissent dans la capitale précipitent la faillite du Petit Saint Thomas. AB qui a si bien réussi perd son emploi.
La révolution de 1848 amène au pouvoir un homme qui va tout changer. Napoléon III a bien compris que pour son règne dure, il va devoir améliorer les conditions de vie des Parisiens.
Napoléon III est un homme très prudent, très malin et aussi extrêmement ambitieux Napoléon III arrive de Londres (donnée très importante) ; il a vu la structure de Londres : ses parcs, ses rues. Et il veut faire de Paris un nouveau Londres.
Pour mener à bien ce grand projet, il lui faut un homme d’action : le baron Haussmann que Napoléon III nomme préfet de la Seine en 1853 avec la mission d’aérer, d’unifier, d’embellir la ville pour faire de Paris la capitale la plus prestigieuse de l’Europe. La modernité étant de mise, Haussmann demande à Charles Marville d’utiliser un nouveau procédé technique : la Photographie pour conserver l’image émouvante des maisons et des rues qui bientôt ne seront plus. Haussmann fait abattre plus de 120 000 logements insalubres. Des quartiers entiers sont rasés, laissant place à des parcs et des squares. 300 kilomètres de boulevards et des avenues rectilignes voient le jour créant un réseau de circulation à la mesure de la capitale. Jamais dans son histoire, Paris n’avait subi une métamorphose aussi rapide et aussi radicale.
Plusieurs idées sous-tendent cette métamorphose :
La sécurité politique : on peut tirer au canon sur un boulevard et y faire passer la cavalerie ; ce qui est impossible dans une ruelle ;
Mais les boulevards servent aussi à l’apparat et ils vont être annexés par la bourgeoisie. Cette classe sociale particulière qui s’élèvera au pouvoir pendant la période de grande stabilité du Second empire. Ils ne sont pas comme les aristocrates ; ils n’ont ni rang, ni sang, ni terre pour assurer leurs arrières. Ils n’ont que leur fortune du moment ; ils doivent donc démontrer et convaincre les autres de leur pouvoir.
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